jeudi 14 octobre 2010

1) Notes à partir d'une conférence de B. Friot sur l'enjeu des retraites: critique de l'enfumage gouvernemental

Pour visionner la conférence.

1ère partie
http://www.dailymotion.com/video/xdqz53_retraites-bernard-friot-1ere-partie_news

2ème partie
http://www.dailymotion.com/video/xdr8dg_retraites-bernard-friot-2eme-partie_news

3ème partie
http://www.dailymotion.com/video/xdrebi_retraites-bernard-friot-3eme-partie_news


Cette conférence de Friot peut s’articuler en deux moments: d’abord la critique de la réforme gouvernementale en dénonçant les mensonges sur lesquels elle s'appuie et son but inavoué et inavouable.
Dans un deuxième temps, quelle alternative concrète et progressiste peut-on proposer au projet gouvernemental. L’alternative que dégage Friot se veut révolutionnaire ( dépasser l'organisation capitaliste du travail et des échanges) et non plus réformiste (aménager le système existant).
La société est-elle prête à s’engager dans un projet révolutionnaire? La question est indécidable; ou plutôt, il reviendra à la population d'en décider.
Notez cependant que Friot distingue bien entre sa perspective révolutionnaire et ce que serait une perspective utopiste.
Projet utopique= projet qui voudrait faire table rase du passé et construire quelque chose d’entièrement nouveau= chimère qui conduit aisément au délire totalitaire (cf. le bolchévisme)
Projet révolutionnaire= projet qui prend appui sur des institutions existantes de la société qui ont déjà un caractère révolutionnaire pour s’en servir de tremplin pour transformer la société. Friot vise ici, en particulier, la cotisation sociale qui permet déjà aujourd’hui de ne plus lier une partie du salaire à l’exercice d’un emploi.
 

1) Critique de la réforme gouvernementale
Quel est le véritable enjeu de la réforme des retraites?
La thèse de Friot est de dire qu’il faut creuser derrière le motif officiel de la réforme qui est fallacieux et mensonger pour découvrir le motif secret et inavouable: la création d’une catégorie de main d’œuvre démunie et sans ressources qui sera contrainte d’accepter des emplois au rabais, exerçant ainsi une pression vers le bas sur l’ensemble des salaires. Autrement dit, la réforme est un instrument qui aboutit logiquement à la création d’emplois vieux comme on a connu ces dernières décennies les «emplois jeunes».
Pourquoi d’abord le motif invoqué par le gouvernement pour réformer est mensonger?
Une première chose qui doit nous mettre la puce à l’oreille est purement d’ordre factuel: l’augmentation de la durée de cotisation pour les retraites ne date pas d’aujourd’hui mais a été amorcé dès 1993. Nous avons donc 17 ans derrière nous pour juger de l’efficience d’une telle mesure et à l’évidence force est de constater que l’âge moyen à laquelle se situe la «cessation d’activité» reste stable et plafonne à 59 ans; les gens, en moyenne, ne travaillent pas plus longtemps en augmentant leur durée de cotisation! C’est pourquoi Friot en tire la conclusion que le véritable motif de la réforme des retraites, contrairement à ce qui est répandu partout n’est pas de faire travailler les gens plus longtemps mais de créer une réserve de main d’œuvre bon marché, les «vieux» et exercer ainsi une pression sur les salaires de tous à la baisse.
Comment cela se fait-il? D’abord il faut comprendre qu’entre l’âge de cessation d’activité et l’âge de départ à la retraite il y a une marge de plusieurs années très inégale suivant les catégories socio professionnelles; par exemple; partent à la retraite à 65 ans, 5% des hommes et 30% des femmes (ce qui est très injuste, soit dit en passant, en terme d’égalité hommes/femmes!); l’âge moyen de départ à la retraite pour les hommes est de 61,5 ans. Entre ces deux moments, cessation d’activité/départ à la retraite, les gens se retrouvent dans une sorte de no man’s land où ils ne sont plus des employés et par encore des retraités: la plupart sont en situation d’invalidité ou au chômage; s‘ils veulent toucher leur retraite à taux plein ils sont contraints, malgré tout, de rester sur le marché du travail ( en partant à la retraite à 60 ans sans avoir cotisé le temps suffisant on ne touche déjà plus que 50% du taux plein). Se constitue ainsi une réserve de main d’œuvre pour le capital particulièrement vulnérable et qui sera prête à accepter de travailler à moindre coût; grossièrement exprimée, l’idée c’est: les vieux sont dépassés, plus assez réactifs, pas assez productifs on ne va pas encore bien les payer pour les faire bosser! Ajoutez à cela le fait  que l‘Etat doit nous donner des avantages (subvention/défiscalisation/allègement des cotisations charges) pour nous inciter à les embaucher!


Contexte historique de la réforme gouvernementale
Il faut remettre cette réforme en perspective si on veut en comprendre tout l’enjeu; elle s’inscrit dans une politique de fond dont le coup d’envoi a été lancé dans les années 1970 et qui a consisté à freiner la progression salariale au profit du capital financier; le but de tout cela étant de minimiser le coût du travail pour dégager des marges de profit toujours plus importantes. Ce qui s’est produit, c’est une inversion d’une tendance historique, profonde, de progrès social sous l‘impulsion, principalement, du mouvement ouvrier, qui avait conduit pendant plus d‘un siècle à TRAVAILLER MOINS POUR GAGNER PLUS. Sur trente ans, cette inversion qui est donc aussi bien un processus de régression sociale s’est traduit par une perte de 9,3 % de part du P.I.B revenant aux salaires pour aller dans les poches du capital financier, soit l’équivalent de 180 milliards d’euros tous les ans.
De multiples catégories de la population ont tour à tour servi de levier pour exercer une pression vers le bas sur les salaires: l’exode rural des paysans vers les villes qui a apporté une main d’œuvre peu qualifiée et bon marché; les femmes également, les immigrés et enfin les «jeunes» dont l‘exploitation s‘est avérée décisive pour casser le salaire d‘embauche et exercer ainsi une pression vers le bas sur l‘ensemble de la grille des salaires.
Ceci serait à ranger dans le petit manuel d’auto défense intellectuelle: chaque fois qu’un gouvernement utilise une catégorie socio professionnelle dans le cadre de l’action publique (politique pour les jeunes, pour les vieux …) il faut prendre garde que cela ne cache pas le motif inavouable de rogner sur les droits de tous!
La création d’emplois jeunes s’inscrit donc dans la même logique que celle  qui va conduire à créer des emplois-vieux. Ici aussi, la réforme a caché un mensonge qui a été de faire croire qu’il y avait un problème spécifique de chômage chez les jeunes; quand les gouvernants annonçaient qu’il y avait ¼ jeune au chômage, il occultait sciemment deux choses: primo qu’il s’agit du pourcentage de chômeurs chez les jeunes (18-25ans) se retrouvant sur le marché de l’emploi; or 70% des 18-25 ans poursuivent leurs études; en réalité, le poids du chômage chez les jeunes n’est pas de 25%, ce qui constitue le taux de chômage, mais de 25% sur 30%, soit 7,5%, c'est-à-dire, le poids moyen du chômage dans toutes les autres classes d’âge! D’autre part, une partie considérable de ces 18-25 ans se retrouvent sur le marché du travail car ils ont connu l’échec scolaire et sont faiblement voir pas du tout diplômés; mais ici aussi, le taux de chômage pour les gens faiblement diplômés et ayant connu l’échec scolaire est important dans toutes les tranches d’âge!
CQFD: il n’ ya jamais eu aucune spécificité du problème du chômage chez les jeunes qui méritait la création «d’emplois-jeunes». C’est pourtant à partir de ce mensonge , qu’on été crée les emplois-jeunes.
Puisqu'on a réussi à faire croire que les jeunes avaient du mal à trouver du travail, on a pu  faire passer l'idée qu'il fallait  baisser le coût du travail pour inciter les entreprises à les embaucher; qu'il fallait aussi subventionner et défiscaliser ces emplois ; on arrive ainsi à socialiser le coût de la mise au travail en faisant porter l’effort sur la collectivité, l’Etat en l’occurrence, tout en privatisant les profits dégagés par cette réduction du coût du travail. Socialiser les coûts/privatiser les profits est un principe de base de toute entreprise capitaliste. D'autre part, il faut bien voir que le fait de baisser le salaire d'embauche des jeunes se répercute par une pression vers le bas sur l'ensemble de la grille des salaires.
Un chiffre donne bien toute la mesure de l’extraordinaire régression salariale qu’a induit la politique des «emplois-jeunes»: en monnaie constante, pour que les salaires d’embauche actuels des jeunes retrouvent le niveau qui était le leur dans les années 1970, il faudrait les doubler! Cette réserve de main d’œuvre bon marché est aujourd’hui en voie de se tarir; les manifestations contre le C.P.E. ( Contrat Première Embauche dont Friot signale au passage le mensonge sur lequel il reposait aussi) ) ont été le signal que désormais les jeunes ne joueraient plus aussi facilement le jeu! Les gouvernants se retrouvent ainsi dans la position de rechercher une main d’œuvre bon marché de substitution au jeunes; la réforme des retraites conduisant à la création d’emplois-vieux est l’occasion toute trouvée.
Cette réforme a d’autant plus de chances de voir le jour que la population vit aujourd’hui dans un profond fatalisme qui la conduit à penser pour la première fois dans l’histoire récente que ses enfants auront un sort pire que le sien. Ce pessimisme morbide et tout à fait nouveau a aussi été soigneusement entretenu par les classes dirigeantes pour mieux faire passer la pilule des régressions sociales: un mensonge l’illustre, celui consistant à faire croire qu’à la période du plein emploi des trente glorieuses (1945-75 en gros) a succédé les trente piteuses caractérisées par un chômage de masse; en réalité, il n’en est rien: le taux d’emploi des 20-60 ans était de 67% en 1962; il est aujourd’hui de 76%! Ce qu’on cache pour entretenir le pessimisme ambiant, c’est que le plein emploi dans les trente glorieuses était celui des hommes; les femmes étaient cantonnées au foyer et aux tâches domestiques, elles n’étaient pas encore sur le marché de l’emploi. Les couches dirigeantes se nourrissent ainsi du pessimisme et du fatalisme ambiants pour mener à bien leurs réformes et rendre docile le troupeau qu’il faut guider et surtout pas instruire, n’est-ce pas M. Voltaire?
On a ici un exemple parlant des techniques de propagande que Bernays jugeait nécessaires pour guider les foules dans les «démocraties» modernes : la manipulation de l’opinion a consisté à faire croire aux gens qu’aujourd’hui est pire qu’hier et que demain sera encore pire qu’aujourd’hui. Or, cette croyance est totalement absurde: les hommes produisent aujourd’hui bien d’avantage de richesses qu’hier et ils en produiront encore d’avantage demain d’après les propres perspectives de croissance de nos élites! Le problème, au niveau le plus superficiel, réside dans le fait que cette richesse est répartie de façon tellement inégale que c‘est à en avoir honte d‘appartenir à l‘espèce humaine; un seul exemple: on estime que la production agricole mondiale actuelle permettrait de nourrir 12 milliards d’êtres humains, soit bien plus que la population actuelle; or, il se trouve que près d’un milliard de personnes sont en  situation de famine.

A suivre...

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